jeudi 2 février 2012

Se mettre à son compte, oui, trois fois oui !

L'école devrait être un endroit de résistance aux modes. Un sanctuaire qui vivrait par et pour des valeurs déconnectées du temps présent. Un lieu dans lequel, quelle que soit l'agitation à l'extérieur, on se sentirait en sécurité affective et matérielle, on avancerait en suivant des guides, des repères de moralité intangibles. Une organisation savante et sage. 



Ben pas du tout.
Les écoles ont reçu ça aujourd'hui:

Affligeant. Il est clair que notre société est de plus en plus incohérente. D'un côté tous les acquis sociaux sont remis en question, à chacun  de se débrouiller selon ses moyens, ses astuces, ses relations, son statut... et d'un autre côté jamais nous n'avons jamais été autant infantilisés. Les recommandations dans les publicités, les mises en garde dans les notices, les sanctions à chaque faux pas, le tout teinté d'une tonalité anxiogène, alertes orange, avertissements sur les emballages, tonalité reprise en boucle partout en même temps...

Un jeune prof d'histoire mardi sur Canal disait qu'on assistait à un retour de la féodalité. C'est pas faux. Des riches de plus en plus riche et de plus en plus nombreux, le peuple corvéable à merci, à qui l'on dit qu'il faut faire un effort pour l'économie du pays, à qui l'on explique que la création de nouveaux impôts est inévitable, peuple flippé dans son boulot, prêt à tout faire pour le garder. La TVA réduite dans la restauration devait créer des emplois, maintenant c'est l'augmentation de cette taxe qui va en créer... C'est n'importe quoi. L'argent, il y en a, c'est sa gestion qui est débile. 17 millions par an pour un ministre...

Et que l'école se colle à cette réalité éphémère, c'est affligeant. Et que les enseignants soient contraints de gré ou de force d'aller dans la direction voulue, c'est grave. Face à sa hiérarchie, l'enseignant a tort et s'écrase. Face aux parents, l'enseignant a tort et s'écrase. Je me rappelle une copine enseignante qui avait écrit sur le livret d'un élève de 4 ans que celui-ci était insolent. Les parents ont rouspété. L'inspecteur les a entendus. L'enseignante a corrigé le livret de son élève... Ces inspecteurs ne sont pas des super-enseignants, mais obéissent à une logique, ne faire aucune vague, mettre la même pression sur les équipes des écoles que celle qu'ils subissent, ne pas réfléchir, être lisse, comme notre société. Parfois même on nous bourre la tête de recommandations capitales, mais incohérentes dans leur réalisation, ce qui engendre un mélange de hargne et de résignation: il FAUT prendre soin de la planète, et recycler ce qui peut l'être ! Des poubelles dédiées aux papiers sont achetées, un temps d'information auprès des élèves est exigé. Ouais, tout ça pour voir le contenu des deux poubelles, papiers et "autres" finir dans la même benne...

Il est certain que certains de mes futurs hôtes vont être de la même trempe, à peut-être vouloir porter en justice l'insalubrité de mes gîtes parce qu'ils auront vu 2 mm de tartre au dessus du mitigeur de la douche, voire me reprocher de ne pas avoir précisé qu'un four à micro-ondes ne faisait pas fonction de sèche-cheveux pour chien. 

Qu'est-ce que je perds ? La sécurité de l'emploi, qui revient à obéir aveuglément à des ordres dictés par l'instant et à pouvoir, tant que personne ne le voit, faire un travail imprécis, inutile, dangereux ? 
Qu'est-ce que je gagne ? Certainement pas l'assurance d'avoir un salaire constant, mais l'immense avantage de savoir pourquoi je travaille, de savoir que la précision est la cause de la réussite, de pouvoir dire non sans craindre les foudres d'un supérieur, et à l'opposé de savoir qu'un travail de qualité sera récompensé. 
Essayer de vivre le plus possible en harmonie avec ce que l'on a au fond de soi, ça me botte, ça me rend heureux, ça me donne envie de rendre heureux mes proches. What else ?

2 commentaires:

Arlette a dit…

Cher Pascal, pour se mettre à son compte, je pense qu'il va vous falloir ajouter un zeste de roublerie et de dissimulation dans votre grand saladier d'honnêteté...C'est struggle for life qui vous attend, et un fonctionnaire du RSI c'est autrement plus obtus qu'un inspecteur d'académie. Même frustré.

Pascal Le Mée a dit…

@ Blanche > possible... ou pas. On verra avec l'expérience.