4 janvier 2013: le pain bio fait maison demande encore à être amélioré, la pile du détecteur de fumée est en fin de vie, mais tant pis, j'annonce l'ouverture de mon
premier gîte urbain à Versailles.
Et pour commencer je l'annonce à mes anciens collègues de l'éducation nationale, et je ratisse large: du prof croisé quelques jours aux pontes de l'inspection académique, en passant par les collègues devenus amis. Un message composé de rancœur et de critique vis-à-vis du système avant de promouvoir ma nouvelle activité.
S'éloigner du système c'est finalement en percevoir de façon accrue ses manques et ses injustices.
Et ben à part les amis je n'ai pas eu beaucoup de réponses... Un retour poli, avec l'usante formule de bonne année, un autre qui m'a surpris, me félicitant pour le travail accompli, pour avoir osé, venant d'une conseillère pédagogique qui se pose aussi des questions sur son rôle au sein de l'École, et c'est tout. Aucun retour de l'administration, normal, dans leur rôle. Aucun retour de celui qui a peut-être un peu trop enjolivé ses besoins et qui toucha une IDV largement supérieure à la mienne. Des retours indirects, me reprochant de parler en ces termes de l'école une veille de rentrée !!
Une machine à chefaillons, permettant aux ex-instits promus conseillers de décider comme bon leur semble de la carrière des instits en poste, les autorisant du même coup à se venger implicitement et à reproduire les mêmes humiliations iniques qu'ils ont subies auparavant.
Une usine hermétique, obligée de mettre en place la circulaire qui concerne l'IDV, mais qui décide d'elle même d'instaurer des critères subjectifs, et qui en plus (peut-être comme pour l'ensemble de la fonction publique, je ne me suis pas renseigné) interdit à l'agent bénéficiaire de cette prime de retravailler pendant 5 ans au service de l'état... "Vous démissionnez, vous nous faites faire des économies gigantesques, on vous octroie une somme dérisoire, et on vous interdit de revenir". Ce n'est pas une opportunité de changer de vie, c'est une punition.
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Pierre Frackowiak
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"Pendant 5 ans, ce furent des années assez
dramatiques pour l’Ecole. Beaucoup partagent cet avis, car les profs
ont subi une politique d’un autoritarisme accru, sans précédent dans
l’Education Nationale, avec des supérieurs hiérarchiques qui agitaient
la menace de sanctions, dans lesquelles leur ministre les a confortés.
Sanctions financières sur leur carrière, comme avec les désobéisseurs,
sanctions administratives. L’administration a appliqué la loi du plus
fort : la sienne."
Qui a dit ça? Un allumé ? Un ancien prof démissionnaire ? Non. Un Inspecteur honoraire de l'éducation nationale, Pierre Frackowiak, dont je recommande chaudement
la lecture de son interview.
Deux jours après, je diffusais l'annonce de l'ouverture à ma famille élargie, à mes amis, à mes connaissances
Facebook,
Twitter, Google+... Dans la foulée je commençai à signaler l'existence du gîte à un ou deux sites spécialisés. Et attendis fébrilement les premières demandes de location.
Le lendemain, rien.
Le surlendemain, rien non plus.
Naïf, crevé, utopiste. On est le 10 janvier, tout le monde s'échine à reprendre le travail en partant de nuit, en rentrant de nuit, essayant de digérer et les fêtes et les sommes dépensées pour ces fêtes, il fait gris, les vacances sont loin, personne ne sait que tu as ouvert un gîte, personne ne sait - et tout le monde s'en ficherait même s'il le savait - que ça fait six mois que tu bosses comme un fou, que tu as investi la quasi-totalité de ton IDV dans l'aménagement de ton appartement. Et tu crois que le monde entier t'attendait. Tu es crevé, tu ne veux pas l'admettre, tu te sens nul, tout ce que tu as fait est nul, et reviennent les démons: tu avais un boulot payé à vie quelle que soit ton efficacité, pourquoi es-tu parti, etc etc etc.
Passage à vide. Pas remis des dernières semaines à tout parfaire. Courtes nuits, douleurs dans le pied, obnubilé par l'ouverture, porte-monnaie qui se vide. Un bon cocktail pour douter et paniquer.
S'efforcer de faire le vide et de prendre du recul.
Et on repart.
- Dépôt de la déclaration d'ouverture d'un meublé de tourisme à la mairie.
- Rendez-vous à l'office du tourisme pour faire partie de leur site et de leurs brochures. Un très bon contact, l'envie et la satisfaction de travailler à développer le tourisme à Versailles au delà du château.
- Rencontre avec des enseignes du quartier Saint-Louis, fondées par des gens du même âge, une décoration moderne, la pluri-activité, tout ce qui me botte.
- Démarches de promotion auprès de l'école supérieure du paysage, rattachée au potager du roi, auprès du conservatoire de musique, de l'école d'architecture, du palais des congrès.
- Les référencements avancent bien, je reçois des compliments sur ce que j'ai réalisé, la position de mon site progresse dans les résultats de recherche.
- Un article rédigé par Accueillir magazine, qui dispense également des formations à la création et la gestion d'hébergements touristiques, formation qui m'avait marqué par sa précision, son exhaustivité et sa pertinence.
- Des interviews programmées de journalistes, des photos du gîte prises par un pro à venir, un nouveau pain en train de cuire, on avance !
Il faut que tout ça agisse, pénètre, diffuse, se mélange... De plus, les avis sur Internet prennent une ampleur capitale. C'est évident qu'en plus de cette période creuse, tant que je n'aurai pas de commentaires sur les sites qui référencent Une Nuit à Versailles les demandes de réservation ne se succéderont pas.
N'ai-je pas été influencé par des commentaires d'utilisateur avant de me décider pour l'achat du bac de douche, du lave-vaisselle, de la télévision, des draps ? Même si je sais que tout le monde peut commenter, et que tout le monde peut descendre en flèche un bac de douche en arguant que le carton d'emballage présentait des traces d'humidité, c'est ainsi, on se fie aux recommandations de tout le monde...