Tout d'abord je souhaite à celles et ceux qui passent par ici une belle année 2012, l'occasion symbolique de penser sa vie autrement, de se questionner sur son bonheur, de vivre ses rêves et non de rêver sa vie...
Aujourd'hui j'ai eu rendez-vous avec l'inspecteur de ma circonscription afin de lui remettre le formulaire de
demande d'IDV (Indemnité de Départ Volontaire). Je comptais le faire en septembre dernier, mais à l'Inspection Académique on m'a rappelé que cette indemnité était calculée sur l'année civile précédant la demande.
Morceaux choisis:
" Vous avez certainement pris connaissance de mon dossier ?
- (Silence gêné) Euh, oui...
- Donc vous devez savoir que j'ai déjà posé une demande de chiffrage d'IDV l'an passé.
- Oui, j'ai vu cela. Qu'est-ce précisément cette IDV ?
- Et bien, suite à circulaire de 2009 les fonctionnaires ont le droit de percevoir une indemnité en cas de démission. J'ai demandé cette IDV l'an passé, mais je n'avais que 10 ans d'ancienneté et mon projet n'était pas assez abouti, j'ai donc eu un chiffrage mais je n'ai pas démissionné.
- Bien. Vous avez le dossier avec vous ?

- ( Lui tendant l'imprimé) Voici.
- C'est tout ?
- Et oui. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est tout. Les textes m'obligent à passer par la voie hiérarchique pour faire cette demande, vous n'avez qu'à émettre un avis favorable ou défavorable, mais sur ce point je n'ai pas bien compris la visée de cet avis: devez-vous être favorable à un départ d'un de vos agents ?
-(Silence) Et quand voudriez-vous partir ?
- Le plus tôt possible.
- Hmm... Vous savez que nous avons des gros problèmes d'effectifs
- Oui je sais, l'école va mal
- (Silence) Donc je veux bien mettre un avis favorable à votre demande, mais c'est donnant-donnant (sic) il faut que vous vous engagiez à effectuer les remplacements jusqu'à la fin de l'année, et j'ai vu dans votre dossier que vous avez eu un certain nombre d'absences depuis le début de l'année.
- Je reconnais, mais vous savez c'est une souffrance au quotidien que d'aller travailler dans une école. Je n'éprouve aucun plaisir, mon travail n'a aucun sens.
- L'école a des besoins qui lui sont dictés par la société vous savez. (re-sic). Nous avons pour mission de répondre a ces besoins.
- Quand je suis en remplacement j'effectue mon travail consciencieusement. Je l'ai fait consciencieusement aussi lorsque j'étais à Nanterre, mais vous savez, se lancer dans des projets d'envergure et n'avoir aucun retour de la hiérarchie, des familles ou des enfants, c'est désespérant.
- (Silence) La reconnaissance des élèves réside dans l'accomplissement de sa mission d'enseignant.
- Mais quand vous montez des projets importants, que vous trouvez 12000€ pour emmener vos élèves en classe transplantée auto-gérée, et que personne ne vous encourage ou ne vous remercie, quand seule la commune vous octroie un complément de salaire, quand ces élèves reviennent voler dans votre classe quelques années plus tard, vous éprouvez un découragement et de la colère. On passe du temps à ouvrir les yeux, les sens des enfants, mais nos efforts sont réduits à néant car une fois hors de l'école, ce sont les règles et les habitudes du milieu qui priment.
- Il ne faut pas agir contre le milieu mais avec le milieu ( à ce moment-là, c'est dommage je manquais de récompenses pour "langue de bois" mais l'envie y était...)
- Seulement quand le milieu de vie prime sur celui de l'école, c'est un combat vain. je vous le dis comme je l'ai dit à mon inspectrice l'an passé, j'aurais eu de sa part un "bravo", une invitation à recommencer mes projets de sa part, je ne serais peut-être pas là aujourd'hui.
- (Silence, le même que l'an passé face à cette inspectrice)
- En tout cas, voilà, ma décision est prise. Face à l'image d'Épinal que j'avais de ce métier et la réalité actuelle il y a un gouffre. Je me permets de vous le dire, entre un enseignant qui se défonce à 400% et un autre qui en fait le moins possible il n'y aucune différence. Celui qui travaille mal aura une inspection défavorable, qui se traduira par un léger retard dans son avancement par rapport à celui qui a une bonne inspection, mais qui aura son avancement de toute manière. Ce n'est pas très motivant !
- ( Silence appuyé) Bien, je transmets votre demande.
- Merci de m’avoir reçu."
Incroyable. Encore un inspecteur qui a peut-être des idées, des critiques à émettre face au système, mais qui n'en laisse rien transparaître. On a l'impression qu'être inspecteur, c'est être un bon soldat, sous tension...
Plus que quelques mois avant de quitter ce système gangréné.
En attendant, ils sont tellement en manque de personnel que les enseignants devant remplacer les congés longs sont tous mobilisés, et que je suis dans les derniers enseignants "congés courts" à être encore affecté à ce genre de remplacement. La secrétaire de l'Inspection m'a informé ce soir qu'à partir de la semaine prochaine je devrai à mon tour effectuer un remplacement long. Sur son bureau traînaient des tableaux des enseignants en congé (et n'en déplaise aux détracteurs de ce métier qui pensent que les enseignants sont un ramassis de feignants, les mots "hospitalisation" et "longue maladie" revenaient souvent dans les motifs d'arrêt...)
Donc en toute logique je m'apprête à prendre un CP à partir de jeudi prochain jusqu'à la fin de l'année.
Refuser cette affectation, c'est profiter de l'absence de préparations, corrections, réunions diverses, mais c'est encore subir l'angoisse chaque matin en attendant le coup de téléphone: quelle école, quel niveau, quelle équipe, quel attitude des élèves face à un remplaçant d'un jour, quel moyen de m'y rendre ?
Et puis ce CP n'est pas loin de chez moi. Qui me dit qu'en refusant ce remplacement long je ne sois pas contraint d’accepter dans quelques semaines un autre remplacement dans une école pourrie, dans une école éloignée ?
Revenant à mon projet, les gens à qui j'en parle me disent que je peux conjuguer un emploi d'enseignant et la tenue de gîtes urbains. Ils ne se rendent pas compte ! Une personne réserve pour un jeudi. La veille, mercredi, je peux me rendre dans mon gîte le nettoyer, installer une literie propre, vérifier que les produits sanitaires sont en quantité suffisante, apporter et installer le kit petit déjeuner du lendemain, refaire la décoration d'accueil. Mais si une autre personne a réservé mon gîte le vendredi pour 17h, je vais arriver à 17h30 au bas mot avec mes draps propres sur l'épaule, mon plateau petit déj sur l'autre bras, en m'excusant auprès de la personne qui aura attendu 30 minutes en bas de l'immeuble ? Impossible, en tout cas dans l'idée que j'ai de l'accueil.
Rien ne presse, je signe dans quelques jours pour l'achat de mon premier gîte, le deuxième existe déjà, je ferai les travaux petit à petit. Car bizarrement, prendre une classe de CP et l'abandonner en cours d'année me choque. Alors, c'est parti pour les fiches de sons, le fichier de numération et tout le tintouin !