vendredi 15 janvier 2010

Que faire ?

Prof... et après ? - De la Zep aux Étoiles
Quand on est prof, il n'y a pas beaucoup d'évolution possible. Devenir conseiller pédagogique. Devenir inspecteur, devenir prof ailleurs ou directeur. Bon, ça on oublie, l'école va de plus en plus mal, je ne m'y sens pas bien, aucun plaisir, aucune envie, aucun sens. Sauf à être masochiste, cherchons ailleurs.

Depuis quelques années on a un outil à disposition, nous les profs, qui s'appelle iProf. Grâce à iProf, on peut voir dans quelle école on est nommé (enfin, il faut attendre le 15 septembre pour la mise à jour), on peut voir ses états de congé, on a une boîte mail dans laquelle on reçoit plein de documents très intéressants (mais ces paresseux de profs n'y vont pas ! Du coup, on leur écrit un mail sur leur mail perso pour leur dire qu'il y a des documents importants à lire dans leur boîte mail pro...)
On peut aussi y lire si on est marié, le prénom, 2e prénom et date de naissance de nos enfants, notre adresse, nos numéros de téléphone, on y est très bien fichés. Et puis il y a un onglet "Vos perspectives" et "Autres parcours" Là on apprend que l'on peut être détaché dans un autre ministère.
Le souci, c'est qu'on est prof. Et autant un comptable qui bosse à l'Intérieur, et ben il peut exercer son métier dans tous les autres ministères, autant celui qui est prof...
Je peux repasser des concours pour travailler dans l'administration. Mais un concours ça demande du temps de préparation, les congés-formation sont accordés au compte-goutte, et puis travailler pour un chef, si je peux éviter je ne choisis pas cette voie.

De plus, qu'ai-je appris en dix ans d'enseignement qui soit utile dans un autre métier ? Quelles compétences professionnelles ai-je acquis que je puisse réinvestir ailleurs que dans une classe ? Rien de probant...

Dans quel(s) domaine(s) suis-je pointu ? Aucun. Je bricole dans beaucoup de domaines, j'adore ça d'ailleurs, mais rien que je maîtrise à un niveau me permettant de prendre cette voie.

Viennent le découragement, la déprime, la boisson, le sentiment d'être nul, une petite voix qui vient souvent me traiter de fainéant, ou d'égoïste qui ne voit pas la chance qu'il a d'avoir un emploi garanti, de faire le plus beau métier du monde, avec autant de vacances, etc. etc.

Se sortir de ce marasme, pour soi avant tout. Sortir de cette torpeur anesthésiante qui fixe sur la chaise, incapable d'avancer tellement on doute. Écouter la faible voix qui pousse à croire en soi, à cesser d’aligner arrêt maladie sur arrêt maladie avec tout ce que ça comporte de culpabilité et de mensonge, que je déteste.
S'en sortir pour les siens aussi, qui s’éloignent, se figent, s'interrogent...

dimanche 10 janvier 2010

Quel travail pour quelle vie ?

Tripalium
Est-ce du pur utopisme que de vouloir une vie intéressante, riche, consacrée aux siens et à soi ?
Souffrir dans le travail de manière inéluctable (travail<tripalium...) est-ce vraiment imparable ?

Je n'ai jamais voulu croire ça. Et le côté souffrance obligée, ce n'est pas ma culture.



Chaque fois que je dois prendre les transports en commun de façon régulière, chaque fois je bous, chaque fois je je me demande comment font ces gens pour demeurer impassible alors qu'ils sont collés aux autres, debout, tous les matins et tous les soirs, qu'ils vont arriver à 19h passées chez eux, comment prennent-ils du temps avec leurs enfants ? Ou leur boulot les passionne, ou il leur laisse leur temps privé entièrement consacré à des affaires privées, ou leur temps consacré au boulot dure moins longtemps que leur temps qu'ils se consacrent à vivre. Trois critères, inopérants avec le métier d'instit. Trois critères qu'il serait jouissif de réunir dans une autre activité professionnelle.

Enfin, on apprend à se connaître quand on avance dans la vie. Tantôt sociable, accueillant, empathique, je suis à d'autres moments misanthrope, solitaire et égocentrique...
Y a-t-il une activité que je vais pouvoir mener, une activité qui me rendrait heureux ?

samedi 9 janvier 2010

Amer constat

école = prison dorée
10 ans que je suis prof des écoles. Et seulement un an que j'ai ouvert les yeux sur l'absolue nécessité de changer de métier. Pourtant, j'aurais pu m'en apercevoir beaucoup plus tôt.

Prof pour moi, c'était un métier de liberté et de mise à profit de tout ce que la vie peut offrir. Liberté de choix pédagogiques, liberté de supports, liberté offerte par l'emploi du temps, que j'allais consacrer à occuper de mille et une façons dans mille et un domaines. J'ai toujours été éclectique, curieux, je pensais à l'instar d'anciens instits avoir la chance de m'enrichir tout en enrichissant ma pratique professionnelle.
Après quelques erreurs de parcours, j'ai adoré mes trois années à la Sorbonne en Lettres Modernes, à découvrir des mondes inconnus, à avoir du plaisir à apprendre, à vibrer dans l'analyse des textes, qui souvent m'apparaissaient sublimés quand la complexité de l'intention s'ajoutait à la beauté de la forme. Texte et tissu partagent la même origine sémantique m'avait-on expliqué. Une vraie jouissance intellectuelle.

Mais dès la première année de formation au concours de recrutement des professeurs des écoles, mon enthousiasme a vacillé. Qui nous formait ? Des profs qui n'avaient jamais mis les pieds dans une école primaire, des profs psychologiquement fragiles, des profs sans aucune humanité. Qu'est-ce qu'on y apprenait ? Le récit de cette vieille prof du temps où sa grand-mère lui lisait des livres au coin du feu, récits qui s'éternisaient... On y préparait des exposés de synthèse de bouquins, à diffuser aux autres étudiants sans aucun retour du "prof"... On y passait de longues heures à déchiffrer le logo d'M6, si si... Il fallait être calé sur la nomenclature des erreurs d'orthographe, adopter et utiliser à bon escient le jargon, se faire chier en définitive, avec 2h de transports par jour, moi qui ai toujours rêvé de travailler chez moi. Du coup j'ai quitté l'IUFM, estimant à raison que je serais plus efficace en révisant à la maison.

Mais bon, ça restait de la théorie, le terrain allait venir, patience.

Le concours en poche, le terrain est venu. Premier stage, premier maître d'accueil. Je garde une phrase en mémoire :"Si on veut faire son boulot de prof consciencieusement, on finit alcoolique ou en hôpital psy" Il ne se sera pas trompé, j'ai frôlé les deux alternatives...

Puis la première fois seul maître à bord, en stage avec des CE2/CM1. J'ai bossé comme un dingue, fiches de préparation, cahier-journal, progressions, programmations, la totale. J'ai eu un très bon rapport de stage, qui, passé un moment de fierté, ne m'aura servi à rien, ou plutôt aurait eu les mêmes conséquences que si j'avais eu un rapport de stage passable.

La deuxième année validée, j'ai la "chance" d'avoir un poste définitif en ZEP à Nanterre. Bardé de belles théories, motivé pour y arriver, je déchante rapidement. Le premier jour, un élève n'apprécie pas ma demande de se taire, balance son bureau sur le tableau et se barre dans les couloirs. J'apprends que j'"hérite" d'une classe d'anciens CE1 terrorisés par leur maître de l'année passée, dont le niveau est catastrophique. Et j'apprends, beaucoup. J'apprends que mettre au courant des familles du comportement de leur gamin n'engendrera pas une discussion familiale posée, mais des coups de ceinture. Je me fais taper, mordre, on me confie des élèves d’autres classes, que je dois ceinturer pour éviter qu'ils ne s'échappent et n'aillent déclencher l'alarme incendie puisqu'à part les enseignants dans leur classe il n'y a aucun autre adulte dans l'école. Ma directrice de l'époque demande à jour à l'inspecteur de faire quelque chose, que l'équipe n'a plus d'énergie. "Mangez du nougat, c'est énergétique" lui répond ce dernier...
Je me défonce à trouver d'autres méthodes, de Fernand Oury à Freinet, en passant par la PMEV... Je perds du poids, je n'ai pas le temps, mais pas le temps du tout de jouer du piano, de m'occuper de ma première fille, d'avoir une vie de couple qui se détruit, rien.

Dans les années qui suivront, mis à part une plus grande maîtrise des gestes et des attitudes, j'aurai bossé, énormément, pour rien. Un site Internet, une classe de découvertes auto-gérée, puis une autre, des essais, des lectures et puis marre. Le temps passe, je me mets à boire, je n'ai plus d'optimisme, il me paraît impossible de passer toute ma vie à faire ce boulot. De plus, ma hiérarchie ne m'encourage pas, s'en fout, les élèves viennent voler des affaires dans ma classe, les réunions deviennent de plus en plus nombreuses, animations pédagogiques obligatoires, conseils des maîtres, conseils de cycle, conseils d'école, réunions de synthèse, aide personnalisée, évaluations... Tout ça pour voir son salaire augmenter de 100€ tous les trois ans ! Et cela qu'on fasse un boulot excellentissime ou qu'on en foute le moins possible !!

Sécurité de l'emploi... On la paye cher cette sécurité ! Impossible de se faire muter en province, surtout quand son conjoint est aussi dans l'enseignement, doit-on comme ça se fait divorcer, demander une mutation, peut-être l'avoir, se remarier pour demander un rapprochement de conjoint ? Tout ça n'est plus vivable. Il faut du changement.

Oui, mais changer, facile à dire ...