mercredi 6 juin 2012

Je démissionne, vous n'avez pas oublié ?

Je démisionne - IDV - MammouthL’inspection académique ne répond plus...

On est le 6 juin, vous m'avez accordé 24000 euros d'Indemnité de Départ Volontaire, vous m'avez proposé de démissionner au 1er juillet, soit dans une poignée de semaines, j'ai dit ok, et puis rien...



Il y a bien eu la lettre mémorable du 3 avril, je me suis bien marré et j'ai fourni les pièces demandées.

Il y a quelques jours j'ai eu un appel sur mon répondeur de la même personne, mémorable aussi

"Bonjour, c'est Mme "Truc" à l'inspection académique; je vous appelle au sujet de votre IV... de votre DV... oh flûte! de votre départ, il faudrait que vous me fassiez parvenir au plus vite le Certificat d'inscription au répertoire des entreprise et établissements (SIRENE) (...)" Elle est marrante Mme Truc, je ne sais pas d'où elle sort mais elle me fait sourire...

Je lui ai donc envoyé ce qu'elle demandait, même si je ne sais pas pourquoi elle me demande cela, mais bref, j'ai passé le temps où je me mettais en colère contre eux, je suis plus dans une attitude de pitié, voire d'empathie, comme envers un proche qu'on n'a jamais vraiment aimé mais qui va nous quitter irrémédiablement...

C'est déstabilisant, incompréhensible, cette attitude... Du début à la fin. Nouveau prof plein de bonne volonté mais désarmé, j'ai été balancé dans une école difficile, ZEP, zone violence, ya pas mieux pour commencer. Personne ne m'a aidé. Dès le premier jour ma porte de classe était fermée, démerde-toi.

J'ai été souvent absent, en plein désarroi, en pleine culpabilité, ne me rendant pas compte à l'époque que ce métier ne me convenait pas. Arrêt maladie, puis prolongation, et encore prolongation. Aucun médecin "expert" n'est venu me voir. Drôle de statut. pas de médecine du travail, jamais en 10 ans d'exercice, incroyable mais vrai. Aucune contre-visite en cas d'arrêt maladie prolongé. Aucun soutien, aucune aide. J'ai pris à l'époque un rendez-vous avec un conseiller mobilité carrière; résumé de l'entretien: et oui c'est pas facile mais on peut rien pour vous.

Il y a quelques mois mon inspecteur de circonscription, halluciné qu'un de ses agents puisse avoir l'envie de faire autre chose, m'avait même menacé: "Je signe votre papier de demande d'IDV, mais c'est donnant-donnant, vous restez jusqu'au bout de l'année scolaire."

Je me suis barré en janvier, dépité et révolté contre ces classes tenues par des incapables, contre ces heures à effectuer en vain, et aussi parce que cet inspecteur se lançait dans une assimilation houleuse des noms de famille, ma femme et moi on bosse dans la même commune... Elle ne terminera pas non plus sa carrière comme enseignante, c'est certain, mais pour le moment elle fait un boulot remarquable et je ne voulais pas que l'inspecteur la fasse trinquer...

Ben rien. Aucun rappel à l'ordre, aucune visite de médecin-expert, aucune nouvelle...

Il n'y a qu'en voyant ma paie que je me dis qu'ils ont bien saisi que je me barrais. Je n'ai reçu que 800 € ce mois-ci, preuve que les calculatrices fonctionnent,  je suis à mi-traitement depuis quelques mois, normalement on ne peut me payer moins que le SMIC, mais comme je tire ma révérence dans 25 jours, il faut que les comptes soient soldés d'ici-là.

Ça ne me tracasse pas plus que ça; mes nuits sont occupées à gérer des problèmes de mises aux normes électriques, de pince à sertir le PER, de site Internet à lécher. Mais quand même, quelle désinvolture de leur part !



Il y a 17 ans, je me formais au BAFD. Nous devions rédiger un projet éducatif, sorte de trame philosophique qui déciderait nos projets pédagogiques, nos raisons motivées d'élaborer des séjours pour enfants, dans quel but et pourquoi. Je me souviens avoir mis noir sur blanc une idée forte qui aujourd’hui encore est à l'origine de mes décisions: vouloir rendre les gens libres, autonomes, responsables, épanouis, suppose que ceux-ci connaissent les cadres, les limites. On n'est libre et heureux que dans un cadre dont on connaît -dont d'autres nous ont appris à connaître- précisément les limites.

C'est ma façon de voir la vie. Je te donne à vivre, je te dis tout ce que tu peux faire et te donne les moyens et les objets pour t'épanouir; je te dis ce qui est interdit, je te dis là où tu peux aller, je te précise ces frontières, je te rappelle à l'ordre si tu les dépasses, je t'encadre fortement au départ puis de moins en moins au fur et à mesure que tu comprends comment t'épanouir dans ce cadre.

J'agis comme ça avec mes filles. J'agis comme ça même avec mon chat ! J'ai agi comme ça avec mes élèves. Je veux proposer un tel cadre pour mes meublés de tourisme, confort, épanouissement, et cadre formel qui rassure et qui évite des dérives, sanctionnées si elles se manifestent.

Une philosophie aux antipodes des attitudes de ma hiérarchie. Personne ne m'a dit ce que je devais faire, ce que je pouvais faire ou non, personne ne m'a rappelé les règles, personne ne prononce des paroles et des actes cohérents, personne ne me dit clairement les choses. 

Pendant des années j'ai bricolé du mieux que je pouvais en classe, sans aucun retour. Mais à la première provocation, tout le monde m'a cherché des poux. 

Est-ce une tare de cette énorme machine protéiforme qu'est l'éducation nationale ? Est-ce une composante de l'esprit humain ? 

Quand on est plus de quatre on est une bande de cons, disait Brassens...

6 commentaires:

Paul a dit…

Je crois que tu as bien résumé, et en quelques mots, une partie du problème de l'éducation nationale qui chavire tranquillement, lentement, silencieusement (ou presque), alimentant un malaise dans lequel baignent tous les êtres humains qui sont concernés de près ou de loin par la grande machine (soit une grosse majorité des français)... Quand aux déboires avec l'administration, seul l'inverse m'aurait étonné... Que quelqu'un me trouve un exemple où, dans ce genre de situation, tout s'est passé comme une lettre à la poste (quoique, même la poste maintenant...) Service public mon amour, pourquoi m'as-tu quitté ? Reviens, je t'en prie ! Je te pardonnerai tes erreurs, tes absences, tes humeurs, tes infidélités d'avec le grand capital. Je te pardonnerai tout, mais par pitié, reviens ! J'ai tellement besoin de toi...

Eloïse a dit…

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire vos tribulations avec l'EN et je vois que nous avons une philosophie de vie similaire et effectivement incompatible avec l'EN.
Et moi qui crée un ERP, je peux vous dire que la encore, c'est une belle machine dotée de rouages abscons.
Mais une belle aventure.
Merci pour votre blog qui m'a apporte pas mal d'info.
Eloïse

Pascal Le Mée a dit…

@ Eloïse > C'est une grosse machine inerte et inique... Courage, tenez-moi au courant !


Anonyme a dit…

C'est exactement ça ! je n'ai plus de colère contre cette institution. On a de la colère quand ça en vaut la peine quand on a du répondant en face quand il y a matière à argumenter, mais là rien sinon une poignée de gens qui ne pensent qu'à garder leur place ! En fait l'humain, ils connaissent pas ! Je viens de remettre ma lettre de démission. Je ne suis pas enseignante mais gestionnaire. L'an dernier ils ont carrément refuser de me laisser partir ! Pas assez de place pour écrire le délire !
Juste une chose lors de mon entretien avec le secrétaire général, je lui expliquais que la gestion humaine me semblait aussi importante que la gestion financière, et que la gestion financière était au service des personnes et non l'inverse, il m'a proposer pour que les choses aillent mieux d'oublier les relations humaines et de m'enfermer dans mon bureau pour ne faire que de la gestion-compta ! Pareil ils veulent bien vous laisser partir mais terminer le boulot, pour qu'ils aient un minimum de choses à gérer !! On s'étonne que les élèves aillent mal, comme ils savent le dire "y a qu'à regarder les parents...en l’occurrence y a qu'a regarder les dirigeants..." enfin si vous réussissez à les apercevoir. Ils ont même osé me dire que ma demande était brutale, ce à quoi je leur ai répondu qu'elle était en de ça de leur brutalité envers moi ! Le pire c'est qu'ils n'ont aucun dessein en fait ils fonctionnent !
Avoir le choix entre le suicide, le suicide et la Verrière mon choix fut de me sauver !!
J'ai décider de créer ma petite entreprise et de me m’occuper de l'essentiel !
Bon courage à tous !!

Mimi a dit…

Ah oui, on m'a également dit que je n'étais peut-être pas faite pour être fonctionnaire, que tout le monde ne pouvait pas être fonctionnaire ! Je confirme. C'est vrai je ne sais pas parler fonctionnaire !!

Pascal Le Mée a dit…

@ Mimi > Bon choix ! ;-) Et quelle petite entreprise ?