mardi 17 janvier 2012

Envol prématuré ?

Finalement je n'aurai pas de CP jusqu'à la fin de l'année. Une semaine et demie seulement, le temps qu'une maîtresse se remette d'une opération. Et tant mieux, cette classe n'est guère attachante; de plus les trois classes de CP ont un programme commun, ce sont donc des journées denses, des corrections tout le temps, un planning à suivre sans temps mort, aucun moment pour reprendre des choses avec des élèves qui n'ont pas compris, bref ça m'emmerde profondément. 

Toujours le même ressenti: aucun plaisir, aucun sens. Le ras-le-bol, de nouveau. Marre de ces élèves qui se fichent éperdument de leur matériel, c'est si simple d'aller voler la gomme du voisin quand on a massacré la sienne en la désintégrant en mille miettes répandues sous sa table, marre de ce rythme inhumain, "Tu n'oublies pas qu'on a une réunion ce midi, à 12h15 après le soutien, prévois ton sandwich", marre de ces locaux délabrés où l'on pisse au même endroit qu'on y fait sa vaisselle du midi, marre. 

J'ai été convoqué par l'inspecteur hier soir. Motif: évoquer avec moi mes absences injustifiées. Il y a eu des matins en effet où trouver le courage d'aller affronter ce milieu était au-dessus de mes forces. Face à moi un discours carré, évoquant les termes  de "mission", de "contrat", de "devoir vis-à-vis de l'institution"... Parenthèse édifiante à ce sujet, nous les profs n’avons jamais signé de contrat avec l'institution, sommes malléables au gré des réformes, tout comme nous n'avons eu aucune visite d'un médecin du travail quelques soit le nombre d'années d'ancienneté...

Cet inspecteur désirait me voir également au sujet de la demande d'absence d'une journée que j'avais déposée. Notre fille aînée a bien morflé pendant sa première année d'une "longue maladie" comme on dit pudiquement dans les journaux. Depuis sa rémission elle a une visite de suivi chaque année jusqu'à ses 15 ans environ. Chaque année ma femme et moi avons demandé et obtenu une journée (je ne me souviens plus si nous avons été rémunérés à chaque fois mais peu importe) afin de l'accompagner à l'hôpital, être à ses côtés pendant les examens de contrôle, parler avec son médecin référent en espérant que chaque année le mot "rechute" se terre davantage sous d'épaisses couches d'improbable.


Et bien pas cette année. Non seulement il n'accorde la demande qu'à l'un de nous deux, mais en plus pour une demi-journée seulement. Là où une petite dizaine d'inspecteurs/trices, et parfois des garces ! avaient accordé sans discussion cette absence, lui se démarque. L'éducation nationale -sans aucune majuscule- a rendu ce qui lui restait d'humanité pour ne plus être qu'une entreprise engluée à des résultats, des performances, du rendement. Réduire le personnel, geler les salaires, obéir aveuglément aux pressions iniques de plus haut tout en affirmant que tout va mieux dans l'école, il est bien dans son rôle cet inspecteur. 

"Papa tu viens aussi à l'IGR avec maman ?
- Ben non, mon chef a refusé que je t'accompagne.
- Mais c'est pas juste ! Il a pas le droit !"

Ben si. Il fait ce qu'il veut. C'est le chef. Peut-être est-ce une "vengeance" de sa part suite à l’entretien que j'ai eu avec lui pour déposer ma demande d'IDV ? Si c'est le cas comment ne pas se sentir honteux face à sa femme qui souhaitait qu'on y aille tous les deux parce qu'on se complète, qu'on se comprend, qu'on navigue mieux à deux que tout(e) seul(e) ?
Comment fait-il cet inspecteur pour être fier de lui ? Comment accepte-t-il de jouer à l'Alain Juppé de 1995 ? Quelle vie privée lui reste-t-il ? Et puis merde, chacun sa vie, chacun ses ambitions, chacun son orgueil, chacun sa dignité, je m'en vais.

Facile à dire. 

Je suis proche d'une nouvelle vie, mais elle m'apparaît tellement éloignée encore.
Plus je subis l'école, plus je me renfrogne, plus je doute de moi.
Plus je doute, plus je suis sensible aux propos entendus, c'est la crise, au moins tu as la sécurité de l'emploi...
Travail = souffrance, c'est la vie ? Quelle horreur !
Un peu de cran, de confiance en ce que je veux, en ce que je crois, oser refuser d’entretenir ce système ?
Perdre encore un peu de plus de santé et d'âme jusqu'en juin ?
Tirer un trait sans remords, quitte à avoir moins de sous mais plus de vie ?
Cinq mois et demi à tenir, ce n'est rien mais c'est tellement...

Cerebration in progress...

Merci pour vos commentaires, je crois que je vais attendre les suivants avec fébrilité pour m'aider à prendre une décision...







6 commentaires:

Anonyme a dit…

Votre texte est vraiment très émouvant. Il n'y a pas de solution idéale mais je comprends votre souffrance pour l'avoir aussi vécu.
Bon courage
Mylène

manu a dit…

La crise, la crise...
tu n'ouvres pas une maison des jeunes libre d'entrée "à votre bon coeur"...

Je le dis comme je le pense, ton projet est ULTRA viable !
Sans oublier qu'il est l'aboutissement d'un parcours qui aurait pu t'emmener vers des sentiers nettement plus..."aventureux".

Ces cinq mois qu'il te reste tache de les vivre concentré sur ton avenir et en légère dilettante dans les ecoles... laisse les donc défoncer leurs gommes si ca les amuse, ca va pas changer tes projets imminents

alors let's go !

(et l'annee prochaine vous irez a deux chez le medecin ca c'est cetain)

Pascal Le Mée a dit…

@ Mylène, racontez, ça m'intéresse !!


Pascal Le Mée a dit…

@ Manu,je commence à me connaître (et toi aussi !), "dilettante" je ne connais pas ce mot... D'où mes interrogations. Qu'est-ce que je risque ?
- De nouveau un demi-traitement dans quelques semaines.
- Un mieux-être certain.
Tout se joue avec ces deux assertions...


manu a dit…

j'ai dit LEGERE dilettante... ;-)

on en recause tres vite

Pascal Le Mée a dit…

@ manu, je ne comprends pas. Dis les tentes ? Dealer tente ? Dix laits tentent ? D'île étant teu ? Dis, l'ai-t-hante ? Dee Lay t'Ant ? Je ne comprends pas.