mercredi 25 janvier 2012

Lettre à l'Inspecteur d'académie

Voici ci-dessous le courrier que j'ai adressé l'an passé à l'Inspecteur d'académie, accompagnant ma demande d'IDV. À la relecture, je me trouve venimeux. Bof, de toutes façons l'a-t-il lue ? 

Je n'ai aucune confiance en l'institution. Pris individuellement je suis certain que ces gens sont intéressants, prennent position, savent écouter et défendre leurs opinions; mais une fois endossé le costume de représentant de l'état tout ce qui les fait hommes ou femmes s'efface devant le système. En triant mes emails je suis tombé sur un courrier que j'avais adressée à la DRH de l'Éducation nationale, lui demandant pourquoi chaque ministère traitait l'attribution de l'IDV d'une manière aussi différente voire inique. Sa réponse a consisté en un copié-collé de la circulaire... Et encore, est-ce "sa" réponse ? Peu importe après tout, je quitte le mammouth handicapé pour des relations à beaucoup moins de niveau, plus humaines, plus franches. 

J'ai réécrit cette année à l'Inspecteur, sur demande d'une de ses sbires; méfiant au départ quant à cette demande, et ayant posé la question aux syndicats (pas de réponses, ça ne m'étonne pas. Je le les intéresse pas, moi qui veux partir; ils adorent les enseignants qui se plaignent mais qui restent enseignant) et à Aide aux Profs (eux m'ont répondu !) j'ai motivé mon ultime demande d'IDV en écrivant de nouveau un courrier. je le mettrai en ligne prochainement.


 "Monsieur l’Inspecteur d’académie,

Ce courrier accompagne ma demande de chiffrage de l’indemnité de départ volontaire que j’ai remis à mon inspectrice de circonscription. Le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 instituant cette indemnité a fait l’objet d’une circulaire publiée au bulletin officiel n°22 du 28 mai 2009, qui précise les modalités d’obtention de celle-ci.

Contrairement à d’autres ministères qui ont défini un montant précis de l’indemnité en fonction de l’ancienneté de l’agent demandeur à l’année près, cette circulaire définit des fourchettes plus larges du plafond de l’indemnité, octroyées selon trois critères : moins de dix ans d’ancienneté, entre dix et vingt-cinq ans d’ancienneté, plus de vingt-cinq ans d’ancienneté. Cependant, cette même circulaire précise que les services académiques « conservent la faculté, dans le cadre de [leur] pouvoir d'appréciation de la demande d'I.D.V. et dans des cas exceptionnels, de [s’] écarter de ces fourchettes. »

Je souhaiterais bien évidemment recevoir un montant le plus élevé possible, mais mon ancienneté ne sera de dix ans qu’au premier septembre prochain, voire un peu avant car j’ai travaillé comme contractuel avant de devenir professeur des écoles titulaire, travail qui sera pris en compte dans le calcul de mon ancienneté comme le mentionne cette même circulaire.
Étant donné que le formulaire de demande de chiffrage me demandait simplement mon état civil et mon grade, je tiens donc à vous exposer ci-dessous les motifs de ma demande, afin que vous puissiez éventuellement décider de vous écarter de ces fourchettes mentionnées dans la circulaire en toute connaissance de cause.
Après presque dix années passées à exercer mon travail dans des écoles difficiles, un changement de carrière s’impose. Je me suis beaucoup investi dans mon travail, utilisant une part importante de mon temps personnel à bâtir des projets innovants, à chercher à comprendre et à résoudre les difficultés des élèves dont j’ai eu la charge, à expérimenter des fonctionnements différents, à faire vivre l’école, de l’élaboration entière d’un site Internet à l’organisation de séjours pédagogiques, et j’ai longtemps cru que ces efforts porteraient leurs fruits. La déception de constater l’inexistence de reconnaissance, tant des parents, des élèves que de ma hiérarchie ajoutée aux sacrifices effectués dans ma vie privée et à ma santé qui s’est dégradée me poussent à ne plus continuer à me faire du mal en vain. J’ai trop longtemps subi l’angoisse et le stress de ne pas pouvoir mettre en pratique une journée de classe telle que je l’avais conçue, en raison du profil des élèves, des exigences pressantes de leurs parents, de l’inertie injustifiée des équipes pédagogiques et municipales.

À ces raisons s’ajoute celle d’être tributaire d’un système trop rigide. Ma femme, enseignante également, et moi-même croyions pouvoir aller exercer notre métier en province, pour améliorer notre qualité de vie et celle de nos enfants, mais les modalités des mutations conjointes nous ont fait nous rendre compte amèrement que nous ne pourrions jamais quitter le département. Quant à pouvoir se mettre en disponibilité, là aussi des critères restrictifs n’offrent pas la liberté d’aller tenter autre chose, particulièrement dans le type d’activité que je souhaite exercer.

Pour répondre le mieux possibles aux exigences de ce métier, il est préférable d’être célibataire sans enfants. Ces mots ont été prononcés par un IEN. Ce n’est pas ma vision, j’aspire à une autre vie.

J’élabore depuis quelques années un projet de reconversion professionnelle dans l’accueil touristique. Ce projet de création d’entreprise est avancé, mais à deux reprises déjà j’ai dû en reporter la concrétisation ; je ne pouvais pas en effet me décider pour l’acquisition d’une propriété destinée à accueillir des structures d’accueil puisqu’il aurait fallu que je puisse rapidement demander une disponibilité, qui n’est hélas accordée qu’à des périodes déterminées et susceptible d’être refusée.

Le développement de cette activité suppose des investissements de départ importants pour développer une rentabilité acceptable. Il me sera nécessaire de pouvoir disposer d’un revenu suffisant les premiers temps avant que les bénéfices se matérialisent.

Cet apport financier sera fourni par l’indemnité de départ volontaire. C’est pour cela que je sollicite votre bienveillance et votre compréhension afin d’espérer un montant de cette indemnité qui puisse être supérieur à la fourchette attribuée pour les agents ayant moins de dix ans d’ancienneté, à quelques mois de ce palier.

Je me tiens à votre disposition pour tout renseignement ou complément d’informations dont vous pourriez avoir besoin.

Je vous prie de croire, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, en mes respectueuses salutations."

5 commentaires:

Sévy a dit…

:-) j'ai tout lu, 2h de "cliffhanger" à chaque article au lieu de finaliser mes "porte- folios" GS pour les 5h de rdv avec les parents que je prends sur mon temps perso demain soir et samedi matin....;-)
Au début de la lecture je t'imaginais déjà au vert avec des visiteurs ponctuels, mais la chape de plomb administrative finit le récit bien tristement dans la vitesse d'éxecution de tes rêves disons...
Par contre, je ne te cache pas que ça fait vraiment un bien fou dans l'espoir de faire autre chose dans la vie.... Merci pour cette bulle de "possible" :-) Bonne suite donc ....

Pascal Le Mée a dit…

Ben si mon blog, en plus de raconter que je veux quitter ce boulot, empêche ceux y sont encore de faire le leur ! ;-)
Merci en tout cas, tes propos me touchent. Prochain article en début de semaine !


Monica a dit…

Cher Pascal, ton blog est passionnant (j'en ai d'ailleurs parlé sur un forum destinés à ceux qui veulent quitter l'enseignement) et ta lettre est à la fois très juste, très bien écrite et très pragmatique. Venimeux, dis-tu? Je ne crois pas. Réaliste, sans concession mais pas aigri. Vivement que la page sois tournée!

Pascal Le Mée a dit…

Merci Monica pour ce gentil commentaire ! En relisant cette lettre, je me dis qu'il se fiche de connaître les propos tenus par l'IEN, il se fiche de mes états d'âme, de ce que j'ai subi, pourquoi lui écrire tout cela avec un ton "T'as vu ce que je vis, c'est normal tu trouves ?" Cette année l'IA m'a demandé de nouveau un courrier, expliquant seulement vers quoi je me destinais.


Anonyme a dit…

J'ai demandé une IDV en février 2011 sans en parler à l'inspecteur et sans faire de blabla : il faut remplir une feuille ( un recto) pour demander l'estimation du montant;les chiffres sont différents car en plus du BO il faut SE REFERER AU BA que j'ai eu par hasard car les syndicats font obstacle. Une semaine apres j'avais mon chiffrage que j'ai accepté un mois après j'avais l'accord du DRH ( l'IPR n'a RIEN A DIRE ). Avec mon dernier salaire j'ai eu la première moitié et même si je rame beaucoup j'ai encore la seconde moitié pour éventuellement me réorienter.